Murielle Compère-Demarcy, Alchimiste du soleil pulvérisé, Z4 éditions, collection « La Diagonale de l’écrivain », 2019, 136 pages, 11,50 €

Murielle Compère-Demarcy, Alchimiste du soleil pulvérisé
poème pour Antonin Artaud avec 9 illustrations de Jacques Cauda
Z4 éditions, collection « La Diagonale de l’écrivain », 2019, 136 pages, 11,50 €

Compère-Demarcy

La quatrième de couverture est explicite : « Murielle Compère-Demarcy s’échappe d’elle-même, douloureusement, pour accompagner « Saint Artaud » dans sa poétique fragile, délirante, monstrueuse, aiguisée, amoureuse. Artaud, un monument aérien visible dans l’invisible. Comment s’emparer de l’invisible ? Murielle Compère-Demarcy se livre, dans Alchimiste du soleil pulvérisé, cinquième opus de La diagonale de l’écrivain, à un exercice d’adoration, fascination : elle emprunte un parcours halluciné à la poésie rauque, profonde, parfois cérébrale, dévastée par l’enjeu. Mais poésie établie magistralement dans le mouvement enveloppant de cette «  toile tendue sur le chevalet de l’âme » — sublime vers de sa composition, dont elle se vêt pour traverser la sidération Artaud. »

Alchimiste du soleil pulvérisé, poème pour Antonin Artaud est un livre pour quiconque apprécie « le corps-à-cris », la profération, « la secousse d’extrême lumière tectonique », écrit Murielle Compère-Demarcy. « Je vous vois à chaque mot tendu, extirpé, raclé pour l’extraire de la bauge profonde, du vertige fangeux où se souiller dans le Langage, pour enfin prendre le large. » Elle cible « les mal-vivants bien-portants qui jamais ne s’indignent », mais où et quand existent-ils, dans quels « gouffres de lumière » ? Elle, en tout cas, ne connaît pas « d’interruption involontaire d’allégresse ». Chacun qui l’a lue déjà, au fil de sa dizaine de volumes précédents, sait combien elle est inspirée ; soyons précis : combien son écriture est riche de nouveautés, de trouvailles, d’audaces. Chaque poème venu d’elle est un régal. La poésie, dit-elle : « on n’en revient jamais si l’on y revient toujours ».


Audaces : « je serrerai les fesses pour ne pas me répandre de rage ». Elle affirme que « l’Europe est morte ». Elle en veut pour preuve que son Artaud épinglé sur la poitrine de Van Gogh ouvre vers de tous autres univers et procure une « conscience surnaturelle ». Elle réhabilite les « saints fous aliénés authentiques saint Artaud saint van Gogh » contre « les possédants sans esprit ». Elle anime ainsi un « théâtre de l’âme en plein air ». Son champ recule les limites d’une épopée noire et presque celles de son chant même. Par l’agilité de sa langue, qu’aucun mensonge ne peut surprendre et qui englobe Rilke au dernier rivage – « malheur au sommeil qui le gagne, un scorpion le réveille » –, Murielle Compère-Demarcy fait trembler les marbres de tous les temples. Elle atteint à la transe. Il suffit au reste de l’écouter dire elle-même ses poèmes. « L’esprit s’ébrèche de l’éclat crié. » Sainte Murielle, priez pour nous, si vous acceptiez ce clin d’œil en retour.

Pierre Perrin, note du 14 juillet 2019


Murielle Compère-Demarcy est présente dans deux numéros de Possibles, dont le n° 44 de mai, cette année. Son précédent recueil, L’Oiseau invisible du temps, paru aux éditions Henry en 2018, a bénéficié d’une recension à la date du 21 janvier 2019 sur le présent site du Frais Regard.

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