Claire Boitel, La nuit est toi
récit, éditions Fables fertiles, 96 pages, 15 €
Les toutes nouvelles éditions Fables fertiles, que dirige Guylian Dai au 18 rue de la Marne, 95460 Ézanville, propose un premier volume de qualité, visuelle, tactile, parfait. Outre la présentation d’une belle sobriété, le texte de quatrième de couverture présente « un récit sur le temps où le temps, atomisé, amalgame autant qu’il la désarticule une triade mystique où exultent la sensualité, la violence et l’amour, jusqu’au point d’émergence d’une figure de résurrection ».
Qu’est-ce qu’un récit ? Une narration de faits vrais ou imaginaires. Le béotien attend et suit une histoire, des personnages. Le vraisemblable lui semble nécessaire – registre fantastique excepté. Dans La nuit est toi, cinq ou six personnages se télescopent, morts et vifs. Un nom s’impose, celui d’une Éléonore morte vingt ans plus tôt, donc invisible en apparence. Dans l’esprit du lecteur, sans doute affleurent les univers de Lautréamont, Artaud, Bataille. Tous convergent vers une perfection qui glace la lubricité. La phrase est brève, d’une rare pureté ; les images, éclatantes et justes. Lire Claire Boitel est un plaisir. Elle cherche quiconque s’ouvrirait telle une fenêtre. La perfection de la langue lui est naturelle.
- Les pages de lancement pour 100 notes de lecture sur Le Frais Regard
- Paloma Hidalgo – Canetti & Goldberg – Paul Valéry – J.-F. Migeot
- Jean-François Mathé – Richard Millet – Sabine Huynh – Alain Duault
- René de Ceccatty – Paul Gadenne – Claire Fourrier – Catherine Dutigny
- Claire Boitel [deux titres] – Domi Bergougnoux – Jean-Pierre Siméon [deux titres]
- S. Tesson – V. Megglé – C.-A. Planchon – C. Krähenbühl et D. Mützenberg –
- Jérôme Garcin – A. Nouvel – J.-M. Delacomptée – M. Compère-Demarcy –
- – Céline Debayle – Jean-Jacques Nuel – Mathilde Bonazzi – Éric Brogniet –
- – Patrick Grainville – Didier Pobel – Stéphanie Dupays – Ariane Bois –
- – Carole Zalberg – Éric Poindron – Jacques Réda – M. Compère-Demarcy –
- Pierre Jourde – Gwenaële Robert – W. B. Yeats – George Orwell –
- J.-F. Mathé – André Blanchard – Jean-Michel Delacomptée – Sophie Calle –
- A. Baldacchino – Jean-Pierre Siméon – Marie Murski – Emma. Delacomptée –
- Gwenaële Robert – Marc Villemain – Marc Dugain – Éric Brogniet –
- Jean-Michel Delacomptée – Éric Poindron – Michel Baglin – Patricia Suescum
- Jean-Marie Kerwich – Nimrod – Richard Millet – Jean-Pierre Poccioni
- Francesco Pittau – La Revue littéraire – Alain Nouvel – Jean Le Boel
- A.C. Rodriguez – Jean-Claude Pirotte – E. Delacomptée – Gérard Chaliand
- J.M. Delacomptée – Jean-Yves Masson – Jacques Réda – François Laur
- Thierry Radière – Natacha Appanah – Louisiane C. Dor – Jean-Pierre Georges
- Adeline Baldacchino – Franck Balandier – Adrien Goetz – Estelle Fenzy
- Guy Goffette – Adeline Baldacchino – Claire Fourier – J.-Claude Martin
- Frédéric Tison – J. Viallebesset – Dom. Sampiero – Pat. Delbourg
- Sophie Pujas – A. Baldacchino – Marlène Tissot – S. Rotil-Tiefenbach
- J.M. Maulpoix – Sophie Pujas – Philippe Delaveau – J.M. Delacomptée
Que nous apprend-elle, « le souffle haché, le ventre en loques » ? Elle a perdu ses illusions sur la bonté, d’où sans doute cet univers de violence et de meurtre qu’elle met en scène. Elle semble une mystique sans dieu, une Thérèse d’un Lisieux qui ne se lirait sur aucune carte. Elle brûle, elle se consume. Elle interroge, page 33 – l’âge du Christ mis en croix. « Pouvait-on s’effacer Homme et se réveiller Dieu ? » Ailleurs elle inter-change les êtres : « il n’y eut plus en face de moi un homme aux yeux clairs mais une belle jeune fille rousse : moi ». Elle invente « ce que j’aurais dû être mais ne serai pas ». Elle se dédouble. « Une jeune fille qui était mon sosie détachait ses cellules des miennes. » À chacun de traverser ce texte par gros temps ou sérénité pleine.
Vers la fin du volume, un paragraphe éclaire le mobile de cette nuit est toi : « En écrivant, tu réconcilies le cerveau léger et le corps, tu tisses le complexe et le simple en un seul ruban, tu captures l’arc-en-ciel dans tes doigts, tu lâches la horde des chimères et des sphinx, tu bois la mer, tu manges les montagnes et, après les avoir digérées, mixées, tu les excrètes sous la forme d’un autre univers : le tien ! » Voilà un livre placé sous le sceau du secret. « Tu me regardes. Je n’existe pas. » Ce huitième ouvrage de Claire Boitel est à découvrir.
Pierre Perrin, note du 26 mars 2022