Patricia Suescum, L’Étreinte du vide, suivi de Je suis la nuit, éditions Rafaël de Surtis, 64 pages, 15 €

Patricia Suescum, L’Étreinte du vide, suivi de Je suis la nuit
éditions Rafaël de Surtis, 64 pages, 15 €

Patrcia SuescumJ’ai donné à lire, à deux reprises, dans la revue Possibles, en ligne, des pages récentes de Patricia Suescum. Ce bref recueil, qui paraît, confirme mes intuitions. C’est, à son orée, une des grandes voix de notre époque, déjà. Je prends ce pari, sans aucune hésitation. Dans ce recueil, passé l’exergue emprunté aux Travaux et les nuits d’Alejandra Pizarnik, la lecture s’ouvre sur ce texte : « Le mal n’est pas extérieur, mais en nous. Il faudrait plusieurs vies pour devenir meilleur ». Quelques lignes sur la même page, aussi fortes, plus loin, il s’achève : « Pas de rédemption, pas de grandeur, pas de déchéance. Cette vie là, seulement ». On ne peut mieux récuser le bavardage. Et ce petit volume s’achève, ou peu s’en faut, sur cette double note admirable : « Chaînon manqué, je cherche la rudesse de mon humanité, l’aveuglement des perles collées les unes aux autres. Je cherche l’abandon, la confiance aveugle. / Je cherche comment ne pas souffrir de mourir ».

Ce sont donc une petite cinquantaine de textes/pages, d’une densité rare mais pleine, au carré, qui exigent l’attention qu’on voue d’ordinaire à un livre de chevet. Les qualités de Patricia Suescum sont évidentes. « Je me noie de l’intérieur », écrit-elle, parce qu’elle a des peurs pérennes qui surgissent, peut-être, de l’enfant en elle qui refuse de mourir. Le sujet reste l’ombre d’une ombre, et pourtant il brille sourdement à chaque page. Elle utilise le langage en poète de plein exercice, faisant entrer de la clarté dans la serrure qu’elle ouvre, page après page. Elle est inventive avec la langue, tout en restant parfaitement naturelle, sans un mot de trop, d’une efficacité totale. C’est donc un grand art que son écriture livre en toute simplicité. Parfois elle émeut, toujours elle touche. « Je palpe du doigt ma peur profonde, pincée entre le derme et l’épiderme. » En outre, ce recueil est beau, deux cahiers cousus, des rabats et la reproduction d’Amitié, 1913, d’Egon Schiele, en couverture… Chacun peut déjà chérir le nom de Patricia Suescum.

Pierre Perrin, note inédite du 10 mai 2017


Pour acquérir ce recueil la page des éditions Rafaël de Surtis.


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