Éric Poindron, Comme un bal de fantômes, Le Castor astral, 240 pages, 17 €

Éric Poindron, Comme un bal de fantômes
Le Castor astral, 240 pages, 17 €

L’objectif de l’art n’est pas le déclenchement d’une sécrétion momentanée d’adrénaline, mais la construction progressive, sur la durée d’une vie entière, d’un état d’émerveillement et de sérénité.
Glenn Gould, Contrepoint à la ligne, éd. Fayard, cité par Éric Poindron [p. 131]


FantômesLa couverture est réussie, d’une fantaisie de fort bon goût. Deux exergues invitent à tourner les pages. L’humour du premier : « si ce livre vous tombe des mains il ne vous cassera pas les pieds » enracine la profondeur du second : « ouvrir les livres pour apprendre / Les refermer pour vivre ». Un tel compas équilibre le ton du livre, entre la grande culture, qui semble consubstantielle à l’auteur, et la fantaisie.

L’auteur cite nombre de gens de plumes que compte cette époque.
Le ramage importe, disait le renard que Poindron sait apprivoiser.
Les dédicaces couvrent le bottin de la poésie, et quelques autres.
Ces noms plus ou moins médiatisés remplissent deux pages à la fin.
« Il faut toujours inviter ses amis dans les livres pour que les livres deviennent la vie. »
Parmi ceux-ci, l’un a pâli, le créateur du prix de l’humour noir, qui fut naguère libraire à Orléans, si je me souviens.

Cependant, l’humour appelle l’amour, jusque chez les morts. Entre poème et bribes de roman qui courent à la ligne, on pense ici et là au premier recueil d’Yves Martin, Le Partisan, Chambelland, 1964. Ces deux noms ne gisent pas dans ce livre.
Le ton badin cache cependant des pensées moins lestes. Une “enfance presbytère” appelle ainsi à revisiter ses souvenirs : « Le brouillard n’est pas un vide, c’est un ensemble / qui nappe qui enserre »… 

Les belles pensées ne manquent donc pas, qui se donnent sans façon. En voici deux encore, pour grimper à l’échelle de ce livre éclectique : « Toutes nos histoires d’amour ressemblent aux guerres » [p. 57] et « Pourtant tu dors et moi je veille à poings serrés » [p. 186]. Merci à Éric Poindron, piéton plus que de Paris, fantôme insistant pour qu’on le fasse fondre d’admiration, qui se dit « cryptobibliopathonomade », entre autres. Un livre précieux.

Pierre Perrin, note du 28 juillet 2017



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