Estelle Fenzy, Rouge vive
poèmes avec des dessins de Karine Rougier, éditions Al Manar, 68 pages, 15 €
Estelle Fenzy marie brièveté et fermeté de l’écriture. Pour être bref, son vers n’en est cependant pas moins plein, plein de sens ; et le poème qu’il lève, de sensations. Elle a renoncé, pour ce recueil éminemment construit, à la ponctuation, à la seule exception d’un point d’interrogation, page 43. On verra pourquoi. La quatrième de couverture annonce, en 3 lignes : « Une histoire d’amour. Chacune à leur tour deux voix pour la dire. Et les berges de la rivière où poussent les rosiers sauvages. » La première partie, délivrée par la voix d’un garçon, pose le décor de terre et de rivière, l’attente, entremêle le rêve éveillé, le souvenir déjà de l’enfant en butte à la solitude. La seconde partie tisse la douleur féminine, celle d’une femme dont le promis a été fauché à la guerre et dont la mémoire reste « emmurée dans sa bouche ». Sa fille apparaît ensuite et nous donne à découvrir, dans le filigrane de cette nature, un homme plus âgé qui fait penser à Nouvelle histoire de Mouchette de Bernanos, avec « à sa ceinture // un faisan colleté / pendu par les pieds ». On devine des observations de guingois, une attente qui s’embrase de part et d’autre, jusqu’à ce qu’après des mois sans doute, un jour, il frappe à la porte. C’est lui qui rapporte la question : « Veux-tu […] ? » Cet unique signe de ponctuation signe donc l’exquise délicatesse du rustre ; du moins est-il présenté, par autrui regardé, comme tel. Cette remarque géniale lui est prêtée : « Je compte bien les mots / par lesquels / je respire ». Et c’est l’attente, le frémissement de l’être dont le désir sourd sous la peau. Le poème fait surgir cette divination, puis installe la rencontre, la fusion, la confusion. Le titre, les dernières paroles près d’être refermées, prend un tout autre sens que celui page après page imaginé. Le recueil réserve en effet une chute, pareille à celle d’une nouvelle. C’est donc un vrai plaisir de lecture, d’autant plus intense qu’il est extrêmement maîtrisé, dépouillé, que nous offre Estelle Fenzy. Cette réussite est parfaite.
Pierre Perrin, note du 22 janvier parue sur La Cause littéraire le 10 février 2016 [supprimé depuis]
Deux poèmes inédits d’Estelle Fenzy, “découverte” dans la revue Possibles n° 3
- Les pages de lancement pour 100 notes de lecture sur Le Frais Regard
- Paloma Hidalgo – Canetti & Goldberg – Paul Valéry – J.-F. Migeot
- Jean-François Mathé – Richard Millet – Sabine Huynh – Alain Duault
- René de Ceccatty – Paul Gadenne – Claire Fourrier – Catherine Dutigny
- Claire Boitel [deux titres] – Domi Bergougnoux – Jean-Pierre Siméon [deux titres]
- S. Tesson – V. Megglé – C.-A. Planchon – C. Krähenbühl et D. Mützenberg –
- Jérôme Garcin – A. Nouvel – J.-M. Delacomptée – M. Compère-Demarcy –
- – Céline Debayle – Jean-Jacques Nuel – Mathilde Bonazzi – Éric Brogniet –
- – Patrick Grainville – Didier Pobel – Stéphanie Dupays – Ariane Bois –
- – Carole Zalberg – Éric Poindron – Jacques Réda – M. Compère-Demarcy –
- Pierre Jourde – Gwenaële Robert – W. B. Yeats – George Orwell –
- J.-F. Mathé – André Blanchard – Jean-Michel Delacomptée – Sophie Calle –
- A. Baldacchino – Jean-Pierre Siméon – Marie Murski – Emma. Delacomptée –
- Gwenaële Robert – Marc Villemain – Marc Dugain – Éric Brogniet –
- Jean-Michel Delacomptée – Éric Poindron – Michel Baglin – Patricia Suescum
- Jean-Marie Kerwich – Nimrod – Richard Millet – Jean-Pierre Poccioni
- Francesco Pittau – La Revue littéraire – Alain Nouvel – Jean Le Boel
- A.C. Rodriguez – Jean-Claude Pirotte – E. Delacomptée – Gérard Chaliand
- J.M. Delacomptée – Jean-Yves Masson – Jacques Réda – François Laur
- Thierry Radière – Natacha Appanah – Louisiane C. Dor – Jean-Pierre Georges
- Adeline Baldacchino – Franck Balandier – Adrien Goetz – Estelle Fenzy
- Guy Goffette – Adeline Baldacchino – Claire Fourier – J.-Claude Martin
- Frédéric Tison – J. Viallebesset – Dom. Sampiero – Pat. Delbourg
- Sophie Pujas – A. Baldacchino – Marlène Tissot – S. Rotil-Tiefenbach
- J.M. Maulpoix – Sophie Pujas – Philippe Delaveau – J.M. Delacomptée