Stéphanie Dupays, Comme elle l’imagine
Mercure de France, 2019, 160 pages, 16 €
C’est un roman tout intime d’une « maîtresse de conférence sans enfants » sortie d’un mariage de dix ans où l’affection s’était usée. Une femme d’une petite quarantaine d’années, spécialiste de Flaubert et pro de Proust, s’éprend d’un Vincent rarement sur Paris et peu pressé de la rencontrer physiquement. Importe par-dessus tout « cette angoisse délicieuse de l’attente ». Importe « une idée façonnée à l’image exacte de son désir »… On songe dans les marges à De l’amour de Stendhal ; les analyses psychologiques de Stéphanie Dupays s’en approchent par la finesse. Elles s’en éloignent – autres temps, autres mœurs – par la rapidité qu’impose le réseau social. La pastille verte est plus précieuse que les services secrets de la planète réunis.
Laure doit se métamorphoser de force, à ses propres yeux. Pour un homme, ce livre est précieux. Comment une femme se laisse-t-elle séduire, sachant que le sens initial se révèle « attacher à soi par tromperie », précise l’auteur ? Comment une femme « sage comme un manuel de grammaire latine » a besoin de se croire sensuelle et lumineuse ? « Faire attention à son image n’est pas nécessairement superficiel. » C’est vrai aussi. Mais est tout aussi vraie la candeur de qui cherche l’amour. « Un miracle, personne ne lui avait jamais dit qu’elle était un miracle. Ce mot bouleversa Laure. »
Pour un critique, ce livre dit les engouements pour les maîtres américains, hors desquels il n’existe plus que des vestiges, « le si fade nouveau roman ou la pesante littérature engagée sartrienne ». Ce livre confirme la poésie nécessairement proche de la conversation. Un bistrot vaut-il mieux qu’une bibliothèque ? Chez Stéphanie Dupays, rien n’est aussi caricatural. Son personnage est fouillé, dit tout de l’installation longue durée dans l’illusion. Il illustre comment on peut se heurter à un rhinocéros en croyant rencontrer une licorne.
« Internet ne disait pas tout. Il suggérait, et ensuite le songe prenait le pouvoir, remplissait les blancs par du fantasme. » Le contraste est saisissant entre la capacité d’analyse de la lectrice de Proust et l’ardeur de son attente qui la rend sans défense aucune. La scène du colloque est désopilante, le fou-rire dû à la chute du maître de céans… Ce roman évoque Courbet pour un tableau peint à Palavas-les-Flots et une observation que le maître peintre n’aurait pas reniée : « le chagrin, c’est encore l’autre ». Sans révéler le dénouement, Laure évitera-t-elle de « remplacer un fantôme par une chimère » ? Ce roman se lit comme le conte moderne qu’il est aussi, d’une aussi belle fraîcheur.
Pierre Perrin, note du 21 mars 2018
- Les pages de lancement pour 100 notes de lecture sur Le Frais Regard
- Paloma Hidalgo – Canetti & Goldberg – Paul Valéry – J.-F. Migeot
- Jean-François Mathé – Richard Millet – Sabine Huynh – Alain Duault
- René de Ceccatty – Paul Gadenne – Claire Fourrier – Catherine Dutigny
- Claire Boitel [deux titres] – Domi Bergougnoux – Jean-Pierre Siméon [deux titres]
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- Jérôme Garcin – A. Nouvel – J.-M. Delacomptée – M. Compère-Demarcy –
- – Céline Debayle – Jean-Jacques Nuel – Mathilde Bonazzi – Éric Brogniet –
- – Patrick Grainville – Didier Pobel – Stéphanie Dupays – Ariane Bois –
- – Carole Zalberg – Éric Poindron – Jacques Réda – M. Compère-Demarcy –
- Pierre Jourde – Gwenaële Robert – W. B. Yeats – George Orwell –
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- A. Baldacchino – Jean-Pierre Siméon – Marie Murski – Emma. Delacomptée –
- Gwenaële Robert – Marc Villemain – Marc Dugain – Éric Brogniet –
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- Sophie Pujas – A. Baldacchino – Marlène Tissot – S. Rotil-Tiefenbach
- J.M. Maulpoix – Sophie Pujas – Philippe Delaveau – J.M. Delacomptée