Sophie Calle, Des histoires vraies, Actes Sud, 2018, 128 pages, 19,50 €

Sophie Calle, Des histoires vraies
Actes Sud, 2018, 128 pages, 19,50 €

Sophie Calle

Qui craint le ridicule se range sous sa croupe. Ramper de honte, dans les pires situations, m’est inconnu. Je reçois, ce jour, la sixième édition d’un livre en couleurs, que je n’ai pas demandé, cartonné, cousu. La plupart des 56 textes brefs, tous illustrés, dans une belle mise en scène de papier, existent depuis un quart de siècle. Le succès porte ce livre ; l’auteur est une gloire. Qui donc a fait tomber dans ma boîte Des histoires vraies de Sophie Calle, une brève mitraille ? Chaque récit tient en dix lignes, ou peu s’en faut. C’est franc, direct, narratif, un copeau d’existence. Une chute tient en alerte, ou l’originalité se suffit à elle-même. C’est toujours moderne, sans se ligaturer le texto : sujet, verbe, complément, impossible de se perdre. Est-ce de la littérature ? Seul un aigri se dévisserait la tête. L’artiste conte de petits faits, de tout âge, vécus. Le sexe est à la carte, qui fait d’abord fermer les yeux, pour retenir des larmes. Sophie Calle dit le monde, qui la laisse nue. Car, depuis l’âge de deux ans, elle répète : « Attendez-moi ».

Pierre Perrin, note du 23 janvier 2018



Sophie Calle, Le fantôme de souris

Chère Sophie, j’ai appris récemment la mort de votre chat et celle de votre père, et je voulais simplement vous dire que je pense à vous. M.
Souris est le nom que j’aurai prononcé le plus souvent dans ma vie et qu’il m’arrive encore de chuchoter la nuit. Le territoire favori de Souris était l’espace entre les deux oreillers. Ce vide sans respiration, c’est là que le manque est le plus criant. Après sa disparition, on ne dort pas avec le fantôme de son père dans son lit.

© Sophie Calle, Des histoires vraies, Actes Sud, 2018, page 115




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