Éric Brogniet, Radical Machines
Le Taillis Pré, 2017, 102 pages, 14 €
et Tutti Cadaveri, édition bilingue, traduction en italien par Rio Di Maria et Cristiana Panella, L’Arbre à Paroles, 2017, 48 pages, 10 €
Tutti Cadaveri est composé de 77 versets qui, à l’exception du premier, commencent tous par &. Ces versets, dont la nature est de lier une gerbe, comptent entre deux lignes et deux pages. Ils sont dédiés « à la mémoire des 262 hommes morts au Bois du Casier à Marcinelle et en hommage à tous les mineurs du Pays Noir et du Borinage ». Les victimes les plus nombreuses sont italiennes, au nombre de 136, venues après guerre chercher du travail. Ces versets dénoncent l’exploitation de l’homme par l’homme, la cupidité capitaliste, et un malheur qui aurait dû être évité. D’un côté, ils rappellent les circonstances du drame, les défauts de précaution, l’impréparation des secours, le drame et ses suites, la veulerie de la justice et la capacité d’oubli des nations tout entières. Le tout s’apparente à un cri qui roule longuement sous la langue avant d’exploser.
Radical Machines constitue un recueil en trois parties. La première et la plus nourrie s’intitule “L’humanité délivrée”. Un vers, « L’obscène érigé en prophétie », reflète la décadence qui caractérise l’Occident et dénonce force travers dont le pire est sans doute le mensonge politique. Déclarer que « la guerre / C’est la paix » autorise, favorise le « coma de la conscience » qui sévit largement. Éric Brogniet consigne sans détour : « Longtemps vous avez dans la conscience de faire le mal / Pris le plus grand des plaisirs », au point qu’il ajoute d’une part : « L’espèce humaine me fatigue » et plus encore, à la fin de ses premières cinquante pages : « Un jour radioactif et radieux l’Humanité délivrée / Se guérira en supprimant l’aléatoire humain de son état ».
La seconde partie du recueil, intitulée “La jeune fille et la mort”, faite de poèmes en prose ou bien de vers de diverses longueurs où des tirets cadratins remplaceraient le retour à la ligne, met en scène un vraisemblable “trip à l’acide”, qui permet des images un brin surréaliste. Ainsi la jeune fille est « belle comme un violoncelle électrifié ». Parallèlement à ce type d’extase qui ne sera peut-être pas du goût de tout le monde, Brogniet déclare que « le monde ne sera sauvé que par le fragile et l’éblouissement ».
La troisième et dernière partie de ce recueil, “Tournez dans le ciel noir” renoue avec un lyrisme de pleine gorge. Le vers emplit la page : « Tournez dans le ciel noir ô mes visions d’astres et de nuits pourpres / Entre les lèvres du sang et du souffle Vos éclatements Vos paroles / Incantatoires C’est le désespoir qu’il vous faut mordre / Ô mes chiennes, mes sources, mes ressources / Au feu sombre qui vous ouvre les jambes »… On apprend que « la mémoire aussi est une des zones érogènes les plus sensibles ». Le recueil s’achève par une sorte d’incantation : « Élève-toi par la vision Élève-toi par l’écoute ». Il y a du plaisir à suivre Éric Brogniet jusque sur ses sommets.
Pierre Perrin, note du 3 octobre 2017
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