Adeline Baldacchino, 33 poèmes composés dans le noir (pour jouer avec la lumière), éd. Rhubarbe, 2015, 80 pages, 9 €

Adeline Baldacchino, 33 poèmes composés dans le noir
suous-titré pour jouer avec la lumière, éd. Rhubarbe, 2015, 80 pages, 9 €

couv. 33 poèmesLe titre indique un mouvement, sinon de rédemption, du moins d’amélioration. Tous les poèmes disent une volonté de vivre à tout prix. « J’étais rage nue contre tout ce qui dit / ça m’importe peu ». Adeline Baldacchino a, pour ce faire, des pistes qu’elle explore. Elle prévient : « La roulette des corps m’ennuie ». Elle veut l’amour réciproque et qui la fasse grandir encore. Elle a pour dire la rencontre, la passion, « les embrasures de la jouissance » des images neuves et fortes. Ainsi « ne pas exiger de la rive / qu’elle retienne le courant ». À l’évidence, elle a quelque chose à dire et les mots pour l’exprimer tombent comme à Gravelotte. « Je bouillonne par où je crie / je m’écris de panique. » Elle offre une véracité proche de celle qu’on entend chez Gaston Miron. Ce n’est pas un mince compliment.

Elle assure aussi une volonté de s’astreindre à une forme que confirme cette régularité qu’elle a choisie pour ce volume. Ces 33 poèmes en effet comportent chacun six strophes de sept vers. Chaque titre commence par le mot poème, beaucoup se poursuivent par la préposition pour. Là s’arrête le métronome. Car le mieux, chez elle, c’est une large garantie d’images créatrices. Elle distille ainsi « la solitude à grands jets de larmes / ou de gamètes », « l’art de l’oubli du temps / revolver aux tempes » et tant d’autres formules qui attestent la présence d’une vraie poète. « Le cœur n’a plus de corde où se pendre. » Elle fait preuve d’une extrême sensibilité au sablier de l’existence. Elle évoque ainsi par exemple « Pénélope / murée dans la terreur / de sa toile presque achevée ».

Elle parle d’elle, sans toutefois évoquer son enfance. Elle est dans le présent des jours et des nuits, entre « l’absence recommencée » et « l’odeur de la vie », sur « ce pont / que fait la chair avec l’âme ». Elle affirme : « je veux la joie brutale qui s’insère / dans le corps seul ». Elle est cependant attentive au monde qui l’entoure. Ainsi le Poème pour Diogène est-il touchant par ce regard dispensé. « Je passe devant des couvertures des os / qui bougent sous la laine dure qui mûrissent encore / leur douleur qui monte et s’égrène / je passe devant / des montagnes de cartons vivants / par où s’écoule une pluie plus dure / qui leur glace le visage ». Ainsi la plume aguerrie, présente partout dans son poème « plus nue que ses draps » écrit-elle, un regard à l’empan vaste et juste, Adeline Baldacchino, grandit, souveraine, sous nos yeux qui déjà peuvent l’admirer.

Pierre Perrin, note du 6 juin 2016


L’homme rapaillé de Gaston Miron lu par P. P.


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